Après l'apparition de l'Auteur, Kael fut téléporté dans un lieu inconnu, suspendu entre fiction et réalité. Lorsqu'il revint à lui, il se trouva aux portes d'une nouvelle académie, bien plus vaste que celle d'Arkanem : l' Académie de l'Équilibre , sanctuaire des lignées mythiques et des anomalies magiques.
Cette académie avait une particularité frappante : seuls 10 % des élèves étaient des garçons. Le reste ? Des jeunes femmes, prodiges, descendantes d'anciennes maisons magiques, demi-divinités, sylphides, et autres énigmes incarnées. Très vite, Kael attire l'attention. Pas seulement à cause de sa puissance… mais parce que chaque fille ressentait en lui une faille dans le scénario , une brèche dans le texte même de la réalité.
Kael, désormais en lutte contre lui-même, n'avait pas encore la pleine maîtrise de sa capacité de réécriture . Chaque tentative — même minime — engendrait des conséquences imprévues : une simple correction d'emploi du temps provoqua l'apparition d'un professeur démoniaque ; une envie d'éviter un duel transforma le jardin de l'académie en forêt carnivore.
Et pourtant, ces modifications s'attiraient. Inconsciemment, les étudiants se rapprochaient de lui, non seulement par admiration, mais parce qu'il tordait les lois de leur monde . Parmi elles :
Asha , fille d'un clan de feu, au regard incandescent et au tempérament volcanique.
Mira , princesse du royaume aérien de Syleen, douce, mais stratège hors paire.
Elyra , l'énigmatique voyageuse temporelle, prétendant être sa fiancée dans une réalité alternative disparue.
Saria , une métamorphe à l'âme divisée, capable d'absorber des fragments de Kael à chaque contact.
L'Académie devint alors bien plus qu'un lieu d'étude. Elle était un théâtre de l'obsession, du pouvoir et du désir .
Mais plus Kael grandissait, plus il sentait quelque chose frapper aux portes de son esprit . Une présence ancienne, ricanante. La conséquence de sa victoire contre Azek-Ra, le Roi Démon.
Car si Kael avait vaincu… le Roi Démon avait laissé une part de lui derrière.
Durant une nuit orageuse, Kael s'éveilla, le corps en sueur, les yeux incandescents. Il avait rêvé… non, vécu un futur possible. Un monde où il dominait tout, écrivait et effaçait à sa guise, même les souvenirs des dieux. Et au sommet de ce monde, le Roi Démon riait en lui , prenant racine dans son âme.
Kael cherche à le purger. Mais chaque tentative de modifier ce destin entraînait des effets secondaires terrifiants : élèves disparus, chapitres du monde répondus sur eux-mêmes, boucles temporelles instables. Pire : des éléments d'autres fictions commencèrent à apparaître dans Elaria . Un vaisseau spatial survola les cieux. Un samouraï errant arrive dans la bibliothèque. Une intelligence artificielle prend le contrôle du système de sécurité.
Kael était en train de casser les murs entre les mondes .
Et c'est alors qu'il le vit.
L'Auteur .
Pas une entité comme avant. Non. Cette fois, l'Auteur était un élève . Discret. Toujours à l'arrière. Inconnu. Mais Kael le reconnut immédiatement. Il n'avait pas de nom. Pas de fiche. Pas d'existence dans les registres. Il écrivait dans un carnet… et tout ce qu'il écrivait devenait vrai .
Mais l'Auteur ne l'affronta pas. Il l'observe. Curieux. Amuser. Comme s'il attendait quelque chose.
Et Kael comprit : il était encore trop faible pour lui faire face.
Il devait devenir bien plus qu'un personnage. Il devait devenir un contre-auteur . Un être capable de réécrire les récits de tous les mondes . Même ceux des lecteurs. Même… le tien.
L’Académie de l’Équilibre n’était pas dans une dimension parallèle, ni un rêve tordu d’Auteur frustré : elle se trouvait dans le monde même de Kael, bâtie au sommet d’un nexus d’Éther pur, là où la magie était la plus instable, la plus malléable. Ce lieu ancien, autrefois connu sous le nom d'Yssandra, avait été ravagé par une guerre oubliée et rebâti par ceux qui avaient survécu au premier contact avec le Voile Noir.
C’est ici que Kael devait apprendre à devenir l’encre, et non plus la plume.
Mais chaque jour passé entre les murs de l’Académie lui montrait à quel point sa présence déformait l'équilibre du monde. Ses pouvoirs, instables, se nourrissaient des lignes narratives du plan d’Elaria lui-même. Le Roi Démon, logé comme une cicatrice brûlante dans sa conscience, chuchotait dans ses rêves, proposant pactes, solutions, et — parfois — vérité crue.
Une nuit, alors que le ciel saignait d’un orage d’Éther, Kael fut attiré par un murmure venu du sous-sol de l’Académie. Un escalier en colimaçon, dissimulé derrière une étagère dans la Grande Bibliothèque, s’ouvrit de lui-même. Il descendit sans hésiter, guidé par une sensation viscérale… comme si quelque chose avait été écrit pour lui, ici.
Il atteignit un portail de pierre, sur lequel étaient gravés ces mots :
"Ici reposent les histoires effacées.Les vérités non publiées.Les dieux morts-nés.Et les versions de toi que même le monde a préféré oublier."
La Salle Interdite des Manuscrits Effacés.
En y entrant, Kael vit des milliers de livres sans titre, flottant dans l’obscurité. Il n’y avait pas de lumière, mais tout était visible. C’était une bibliothèque… de ce qui n’aurait jamais dû exister. Il ouvrit un volume. À l’intérieur : une version de lui-même qui avait refusé le pouvoir, était resté fermier, mort à 17 ans, inconnu, oublié.
Dans un autre, il avait été tué par Lyra elle-même, corrompue par l’Auteur.
Dans un troisième… il n’était jamais né.
Kael sentit une panique sourde. Mais une voix le tira de ses pensées. Pas le Roi Démon. Pas Alyra.
L’Auteur.
Il n’était plus un élève fantomatique. Il était ici, dans sa forme réelle : une silhouette fine vêtue d’une cape d’encre mouvante, dont le visage changeait à chaque seconde. Il n’écrivait plus. Il observait.
« Te voilà donc dans la salle où j’ai mis toutes les versions de toi qui n’ont pas marché, » dit-il sans colère. « Pourquoi es-tu toujours celle qui insiste pour briser le récit ? »
Kael sentit l’Éther pulser autour de lui. Une autre ligne narrative s’écrivait en direct : cette conversation. Ce moment. Ce regard.
Il brandit sa propre plume — celle qu’il avait créée dans le chapitre de l’Ascension — et tenta de réécrire la réalité.
Mais une explosion de lumière le projeta contre le mur de la salle. Du sang coula. Sa main trembla.
« Tu ne peux pas encore écrire ici, Kael. Ce lieu est pré-réel. Tu dois encore apprendre à lire… avant d’écrire. »
Kael se releva lentement, un sourire amer aux lèvres.
« Alors enseigne-moi. »
L’Auteur ne répondit pas. Mais il lui tendit un vieux manuscrit… blanc.
« Commence par te réécrire toi-même. Et sache ceci : plus tu deviendras l’auteur, plus tu attireras ce que même moi je crains. »
Le Roi Démon hurla dans l’esprit de Kael, refusant cette soumission. Mais Kael ignora la voix.
Il venait de franchir une nouvelle frontière : celle où l’on écrit non plus pour survivre, mais pour exister.
Le ciel d’Elaria brillait d’un bleu presque irréel, comme si les nuages eux-mêmes retenaient leur souffle.
Kael se tenait devant la vieille bâtisse de pierre blanche, nichée dans les collines de Daelrin. Là vivaient ses parents d’adoption : Maël et Irina, deux mages simples qui l’avaient accueilli après sa première réincarnation. Ils n’étaient pas ses géniteurs, mais dans ses souvenirs, ils incarnaient ce qu’un foyer avait de plus pur.
Irina, les yeux rougis, peinait à cacher ses larmes tandis qu’elle tentait d’ajuster la cape de voyage de Kael. Maël, stoïque, lui tendait un dernier talisman protecteur forgé dans l’acier runique de sa jeunesse.
« Tu ne reviendras pas avant longtemps, n’est-ce pas ? » murmura Irina.
« Je ne reviendrai… que lorsque je n’aurai plus besoin de partir, » répondit Kael, le regard fixe sur la ligne d’horizon. « Quand le monde lui-même saura que j’existe. »
Leurs adieux furent sobres, douloureux, mais sans tragédie. Kael ne pleurait plus. Il en était incapable. Son cœur était un théâtre d’émotions figées, piégé entre les lignes d’un récit qu’il refusait encore de comprendre entièrement.
Il prit la route vers l’Académie de l’Équilibre, une dernière fois en tant qu’élève.
Les années passèrent. À l’Académie, le temps semblait se dilater. Chaque mois apportait son lot d’enseignements, d’épreuves, et de confrontations. Kael grandissait. Il surpassait ses professeurs. Ses manipulations de l’Éther se faisaient de plus en plus subtiles, tissées parfois dans le silence même.
Ses tentatives de réécriture devinrent plus maîtrisées. Désormais, il pouvait effacer la mémoire d’un instant, réécrire la trajectoire d’une flèche, ou même modifier l’issue d’un duel sans que personne ne s’en aperçoive.
Mais chaque usage de ce pouvoir venait avec un prix : une part de lui — une version alternative, une possibilité — était absorbée dans le Manuscrit Blanc que l’Auteur lui avait confié.
Il rencontra de nombreuses figures marquantes à l’Académie :
Asha, toujours aussi flamboyante, devint son éternelle rivale magique, mais leur tension brûlante virait peu à peu vers quelque chose de plus intime.
Mira, dont la loyauté était telle qu’elle suivait Kael même dans ses rêves.
Elyra, toujours persuadée qu’ils s’étaient déjà mariés dans une ligne temporelle disparue, refusait d’abandonner son destin écrit.
D'autres jeunes femmes commencèrent à se démarquer — puissantes, brillantes, obsédées par l’anomalie qu’était Kael. Il ne les repoussa pas, mais il ne les accueillit pas non plus. Il n’était pas encore prêt. Car il le savait : s’il acceptait cet aspect de sa vie maintenant, il s’y perdrait.
« Le cœur d’un auteur peut écrire l’amour… mais aussi l’effacer. »Voilà ce qu’un ancien professeur lui avait dit.
À ses vingt ans, Kael devint le Premier Disciple du Conseil des Anciens. Puis, à vingt-deux, il fut nommé Maître-Adjoint. Mais l’Académie, consciente qu’elle ne pouvait plus lui enseigner, lui offrit bientôt un titre inédit :
Maître Scriptural de l’Équilibre — le seul élève devenu le gardien du nexus magique le plus sacré d’Elaria.
Il avait désormais sa propre aile dans la tour nord, son propre laboratoire de scriptomancie, et un accès illimité aux reliques interdites. Les élèves l’admiraient comme une légende… les professeurs, comme un futur danger.
Et dans les couloirs, les jeunes prodiges, filles de royaumes et d’étoiles, murmuraient déjà son nom comme une prière ou un sort d’attraction.
Mais Kael restait concentré. Il savait que le harem qu’il inspirait ne serait pas une collection de cœurs conquis, mais une constellation de volontés libres, unies autour d’un même paradoxe : lui.
Dans sa chambre, seul, il ouvrit le Manuscrit Blanc.
Et sur la première page, il écrivit :
"Je ne suis plus un personnage. Je suis l’écrivain du feu qui brûle le ciel.Et un jour, même l’Auteur lira mes mots avec crainte."