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Pense la réalité.

lomku
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Synopsis
Je tournai la tête, cherchant une échappatoire, un ancrage dans ce qui me restait de mon ancienne perception. Et là, flottant dans le néant derrière moi, un message commença à se former, des lettres de lumière s'assemblant une à une : "HUMAIN, VEUX-TU QUITTER CETTE RÉALITÉ POUR UNE AUTRE ?" La question cogita dans mon esprit, mais je savais que c’était ma seule chance de m’échapper de cette réalité que j’avais créée. Sans hésitation, sans même réfléchir aux conséquences, j’appuyai sur la réponse “oui”. Un second message apparut, plus détaillé cette fois-ci : "DORÉNAVANT, TU FAIS PARTIE DE CETTE AUTRE RÉALITÉ. TOUTES LES CONNAISSANCES DE TON ANCIENNE RÉALITÉ RESTERONT GRAVÉES EN TOI. CEPENDANT, SI TU QUITTES CETTE RÉALITÉ, TU NE POURRAS PLUS RIEN APPRENDRE DE CELLE-CI, ET TU DEVRAS DÉCOUVRIR TA NOUVELLE RÉALITÉ AVEC TES CONNAISSANCES ACTUELLES, TOUT EN EN APPRENANT DE NOUVELLES, PROPRES À LA RÉALITÉ SUIVANTE. ES-TU SÛR DE TON CHOIX ?"
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Chapter 1 - Le début et la fin.

J’ai toujours aimé écrire avec un brin de mélancolie, une petite dose d’amour alors que je ne l’ai jamais connu. 

Pourquoi voudrais-je le connaître, au fond ? c’est vrai : quand je regarde les couples de ma génération, ils finissent toujours par se quitter et se faire du mal. 

Ils se font du mal en s’aimant… quel bel oxymore. 

Moi, je suis bien, tout seul. Aucun souci. Aucune prise de tête. Rien que moi et mon Dieu intérieur. Il n’y a que lui que j’aime. 

On pourrait se demander pourquoi je dis que je n’aime personne si la famille existe ? c’est parce que ce ne sont que des hypocrites. Ils ne m’ont jamais aimé, alors je ne les ai jamais aimés. 

Ma mère, qui aurait dû être présente pour moi, n’a fait que les regarder me rabaisser. Elle a préféré s’enferrer dans leurs ignominies à mon égard plutôt que de me défendre. 

Mon père, le seul qui était de mon côté, s’est avéré être un portail organique. Comme ma mère. Comme la majorité de ma famille. 

Vous comprenez pourquoi je manque d’éthique quand je parle d’amour, j’espère. Mais ce n’est pas ma faute, au contraire. J’essaye de m’ouvrir aux gens, mais ils m’envoient balader. On croirait qu’ils se sont tous passer le mot pour me rendre la vie dure. 

Alors je m’enferme dans mes pensées et les laisse couler à travers mon être pour exprimer ce que je ne peux exprimer à l’oral. 

Quand je me lève le matin, c’est toujours la même routine : je me lave, me débarbouille le visage, cuis mes œufs et attends 12 heures pour dîner. 

Un train de vie monotone, mais qui me plaît bien. 

 

Le lendemain. 

 J’ai fini de me préparer, je peux enfin aller travailler sur mon projet. Ce projet qui occupe tout mon temps libre. 

Je suis une personne très, très active intérieurement. Je me pose beaucoup de questions sur la vie, sur ce qui m’entoure. Ça en agace certains, mais moi, ça m’agace que ça les agace. 

Ce projet, c’est celui de toute une vie. Celui qui me permet d’élever mon âme, de l’emmener dans le ciel le moment d’un instant. 

Je n’arrive pas à passer une journée sans m’y attarder, c’est impossible. 

Mes proches me disent que je dois lâcher prise, que je dois me laisser aller et vivre la matérialité. Je sais qu’ils ont raison, mais je vois cette envie comme cynique. 

J’ai peur qu’en m’y habituant, je sois une mouche sur la toile d’araignée, emprisonné sans pouvoir y échapper. Une sorte de matrice me retenant. 

Bref, je palabre pour rien, alors autant travailler. 

À peine eus-je la conscience tranquille qu’on toque à ma porte. 

Je me levai et regardai à travers mon œil de porte. Je vis une tronche horrible ressemblant à un cadavre en décomposition : c’est Chris, mon meilleur pote. 

Je lui ouvrai et aperçus son visage ovale, digne d’un Brad Pitt à son jeune âge. Ses yeux d’un bleu perçant, avec son bouc, peuvent faire tomber n’importe quelle femme amoureuse. 

Il m’accola le cou avant de me faire sentir son haleine fraiche en me parlant. On croirait qu’il veut m’embrasser, à sentir la menthe... 

- Ça dit quoi depuis hier ? me demanda-t-il. 

- Rien de spécial, répondis-je. J’ai rangé ma chambre et lu mon livre sur le canapé. 

Je le vis me lancer une œillade, comme s’il attendait que je lui dise que j’ai rencontré quelqu’un, et que c’est pour cette raison que j’ai dû la ranger. 

- Arrête de t’imaginer l’impossible, tu sais très bien que ce n’est pas le cas, lui dis-je en haussant les yeux vers le plafond. 

Je n’ai pas l’impression de l’avoir convaincu, mais je m’en fiche. Au moins, il ne va pas m’embêter à me poser un tas de questions. 

On se posa sur le fauteuil avec la télévision comme bruit de fond, alluma une bougie quelques secondes pour que la pièce sente l’encens et l’éteignit aussitôt. 

On était fin prêts pour notre méditation quotidienne. Elle comporte des techniques ancestrales de méditation tibétaine, qui permet de stimuler le serpent dans notre colonne vertébrale et d’atteindre la couronne, ou tout simplement le chakra couronne. 

Je fermai les yeux et utilisai la respiration saccadée pour provoquer un état de transe. On aurait pu prendre de la psilocybine, mais y arriver de sa propre volonté est une satisfaction plaisante à ressentir. 

Comme j’y suis habitué, il me faut cinq petites minutes pour être plongé dans une autre dimension. Cependant, cette fois est différente des autres. 

Je me fis violemment transporter dans le songe d’une inconnue. Je voulu partir, mais une force invisible me força à y rester. La panique me submergea, et ce malgré mes années de pratique. 

Je n’avais jamais connu ce type de visions. C'était comme si je vivais le rêve en même temps que cette individue, sauf que je ne la connaissais pas, mais je ressentais un sentiment d’appartenance envers elle. 

Et d’un coup, mon corps fut pris de convulsion : je vis mon âme se composer d’une structure moléculaire incompréhensible, se mêlant à l’âme de cette femme. 

Putain, il se passe quoi, sérieux. Je n’arrive plus à différencier la vérité d’une chimère. 

Mes yeux se transformaient en un soleil ardent, et ses yeux en une lune étincelante. On était de parfaits inconnus, mais une connexion me reliait à elle. J'avais l’impression de l’avoir toujours connue, l’impression qu’elle faisait partie intégrante de moi. 

Je n’eus pas le temps de plus réfléchir que son esprit s’adressa à moi. Il me dit que je devais la sauver, que je devais regarder correctement. 

Je l’écoutai et vis qu’un jnoun[1]se tenait au-dessus d’elle, prêt à rentrer en elle pour la posséder. Eh merde, pourquoi ça arrive à moi, ce genre de trucs. 

Je me propulsai contre lui et illumina mon corps astral complet pour le repousser. Ses yeux brulèrent et fondèrent à mes pieds, puis il recula rapidement pour s’échapper. 

Je ne voyais pas le besoin de le poursuivre, je l’ai donc laissé s’en aller sans encombre. 

Quand je voulu me retourner vers elle, je me fis automatiquement réintroduire dans mon corps charnel. Chris se trouvait sur moi, tout chamboulé. 

- Tu faisais quoi, mec ? Ton corps tremblait, j’ai bien cru que tu faisais une crise, me dit-il. 

Mais comment pouvait-il trembler si j’étais pleinement conscient de ce que je faisais ? 

- Hein ? Tu me racontes quoi, mec ? J'étais en plein trip, et même s’il était plutôt bizarre, je savais ce que je faisais. En plus, il n’a duré que dix petites minutes, je suis déçu. 

Il fronça les sourcils et tourna la tête avant de me demander mon prénom. Il est sérieux ou je suis encore en train d’halluciner ? 

Je lui dis comment je m’appelle et il me dit que ça faisait trois heures qu’il essayait de me réveiller, et qu’il était sur le point d’appeler l’ambulance quand j’ai repris conscience. 

Je me frottai les yeux, sortis mon Iphone et vis qu’il disait vrai. Je me frottai le front, pris de sueurs froides. 

Comment c’est possible ? J'ai bien vu que ça ne faisait que dix minutes, alors comment une si grosse marge d’erreur est-elle possible ? 

- Ok, mec, très drôle, retorquai-je d’un rire jaune. T'as avancé les heures, c’est ça ? Tu m’as bien eu, je te félicite. 

Il me gifla, et me dit de stopper de rêvasser. C'est qu’il a une belle force, cet enfoiré... mais il a raison, je dois me ressaisir. 

Ok, analysons la situation en détails. Je suis sorti de mon corps après notre méditation quotidienne, j’ai ensuite été propulsé... propulsé... j’ai été propulsé où, encore ? Réfléchis, réfléchis, bordel. Je n’arrive plus à me souvenir. 

Je me pris la nuque et tournai en rond, pensant que ça stimulerait mon cerveau. 

Mais sérieusement, comment j’ai pu oublier en si peu de temps, je ne comprends plus rien. Je me tournai vers Chris et lui demandai ce qu’il se passait réellement. 

Il me dit simplement qu’il était en plein voyage quand il a ressenti qu’une chose clochait. Il a donc décidé de revenir et m’a vu en train de trembler. Il a d’abord cru que j’étais simplement en train de vivre une expérience intense, mais son corps s’est jeté sur le mien, comme pour lui dire d’agir. 

C'est totalement fou, je n’y comprends rien. Moi qui suis à fond là-dedans je devrais surkiffer ce qu’il se passe, mais c’est tellement chinois que je n’arrive pas à être posé. 

- Bon, je vais me prendre un verre d’eau, t’en veux un ? lui demandai-je. 

Il me fit un signe d’approbation, et je partis dans la cuisine. 

Tant de questions surgissent en moi, et j’avoue que je n’ai aucune réponse pour aucune d’elles. La seule chose que je sais, c’est qu’il s’est passé quelque chose et que je ne m’en souviens pas. Et ça, ça me fait flipper. 

Je retournai dans le salon quand je m’aperçus que Chris n’était plus là. De mieux en mieux. 

- Chris, hurlai-je de vive voix. 

- Ouais, j’arrive, me répondit-il à la seconde. 

Je me demande bien ce qu’il peut foutre en ce moment, surtout après les péripéties qu’on vient de vivre. 

Je le vis arriver du coin de l’œil, et me levai dans sa direction pour lui donner son verre. Cependant, il m’interrompit et m’agrippa le bras, me faisant avancer dans ma chambre. 

- Tu vas me dire ce qu’il se passe, à la fin ? T'es super relou à agir ainsi alors que j’ai un trou noir qui se balade entre mes neurones. 

Mais à peine ma phrase terminée que je tombai littéralement les deux genoux sur le sol. Ma vision devint floue. Je deviens aveugle, je suis foutu... 

C’est sûr que je suis en plein rêve, c’est certain, j’en suis persuadé. Voilà les seuls mots qui sortaient de ma bouche. J’étais éberlué par ce que je voyais. 

Je voyais ma chambre, mais ce n’était pas la mienne, tout était différent : le lit était à gauche et non à droite, je n’avais plus de bureau, les murs étaient… vides ? Je ne sais même comment décrire ce que je vois, c’est insensé. 

- Mec, tu vois ce que je vois ? demandai-je à mon meilleur pote. 

Mais quand je tournai la tête, je ne le vis plus. Il avait disparu. Il ne restait que sa présence… lointaine. J’étais seul, mais je le sentais à mes côtés. 

Je me fis soudainement emporter vers le bas, voyant des mains enchaînées sur mes pieds, voulant m’emmener avec elles dans les abysses. Je résistai tant bien que mal, mais je commençais à vaciller, sentant mon esprit se dissiper dans l’obscurité la plus profonde. 

Je me laissai aller, me disant que si ça doit se passer ainsi, c’est que ça doit se passer ainsi. 

Au moment où je rouvris les yeux pour voir où j’étais, je me vis dans le salon… avec Chris assis sur une chaise et moi, allongé sur le divan avec un essuie sur les yeux. 

- Ah, t’es enfin réveillé, me dit Chris avec un sourire jusqu’aux oreilles. 

- Tu peux m’expliquer pourquoi est-ce que je suis allongé ? lui rétorquai-je. 

Je ne comprends plus rien. Un moment, je suis dans un bad-trip, un autre, je suis dans le salon. Est-ce que je deviens fou ? ou pire : est-ce que je suis mort ? 

Je le regardai d’un air surpris, car c’est ce que j’étais au plus profond de moi. Puis, il me répondit calmement qu’il avait eu fini sa méditation avant moi, et vu que mes paupières clignotaient à vitesse grand V, il a décidé d’adoucir le tout avec un essuie. 

Je réfléchis deux minutes avant de me lever, de peur que ce ne soit encore qu’un mauvais rêve. Mais tout semblait « réel », alors je me convainquis que j’étais bien de retour dans le monde physique. 

- Ecoute, j’ai fait un voyage de malade mental, j’ai besoin de prendre l’air, lui dis-je d’un ton grave et exténué. Tu viens avec moi ? 

Il se leva en guise de réponse positive, et nous nous rendîmes à l’extérieur de cette pièce, pour mon plus grand bonheur. 

Arrivé dehors, je levai les yeux vers le ciel, apercevant les oiseaux voler et les nuages danser autour du soleil. Quel kiffe que tout soit redevenu « normal ». 

On s’arrêta à l’épicerie du coin pour grignoter, prenant deux baguettes et un paquet de chips.

Chris me dit qu’il alla en direction de la caisse quand j’eus fini de prendre une boisson gazeuse dans le réfrigérateur pour hydrater ma gorge suite à toute cette merde. 

Lorsque j’y arrivai aussi, je vis une jeune femme, peut-être la vingtaine, se tenant derrière le comptoir. 

Ma rétine arriva jusqu’à la sienne, et le champ des profondeurs m’envahit pour noyer mon regard dans le sien. Je pouvoir voir mes yeux globuleux marron foncé, ma mèche tombant sur mon front et le teint ébène de ma peau. 

Je n’avais jamais ressenti cela auparavant, et pourtant mon cœur s’accéléra d’un coup, comme pour me faire passer un message. Alors c’est ça, un coup de foudre ? 

Chris me mit un coup à l’épaule. Je savais qu’il voulait que je lui demande son numéro, mais je n’avais jamais fait ça. Je suis sûr que mon visage ressemblait à une tomate, et c’est un euphémisme. 

- Excuse-moi, on ne se connaîtrait pas ? me dit-elle d’une voix bénigne. 

- Euh, je sais pas. Je pense pas. 

J’en perdais mon français. Je me revoyais à la maternelle en train d’apprendre à comment parler intelligiblement. 

Je la vis en train de me fixer, d’un air tellement… charmant ! bordel, je suis déjà amoureux ? 

- Je sais que ça peut paraître direct mais je te donne mon numéro. Tu m’appelles si ça t’intéresse, bien sûr, me dit-elle. 

- Euh, oui. Pas de soucis. Et, euh… comment tu t’appelles ? lui posai-je. 

J’entendis « Laura » de l’oreille. Son prénom résonnait dans toute ma tête. J’étais possédé. Elle me possédait. 

- Tu vois, ce n’était pas si compliqué que ça de parler à une fille, me dit Chris. 

Il se fout de moi ? j’étais en train de me chier littéralement dessus. J’avais envie de me mettre une balle dans le crâne. 

Plus je pensais à lui envoyer un message, plus je me disais que je l’avais déjà vue… mais où ?

[1] Démon, dans l'Islam.